Six défis transverses : la recherche fondamentale au service de la société
Le CNRS lance six nouveaux défis transverses pour structurer les communautés de recherche autour de questions clés, à un moment stratégique pour faire émerger des ruptures.
Le cerveau, les matériaux du futur, la vie dans l’Univers, l’instrumentation sans limites, l’IA générative pour les sciences et les sociétés en transitions. Pour les cinq ans à venir, ces thématiques deviennent les six défis transverses du CNRS. « L’organisme a l’ambition d’apporter, à moyen terme, des contributions substantielles à ces sujets », explique Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS.
Comment ? En mettant à profit l’une des forces du CNRS : la pluridisciplinarité. Comme le résume le directeur général délégué, « les grands défis scientifiques d’aujourd’hui et de demain nécessitent de mobiliser l’ensemble des disciplines de manière coordonnée, ce que seul le CNRS peut faire si bien ».
Des outils pour les communautés
L’organisme s’appuie sur l’expérience acquise avec les six précédents défis sociaux du COP 2019-2023 qui ont créé « une réelle dynamique » et eu des « retombées significatives». Par exemple, le défi « Inégalités éducatives » a permis, via la création d’un groupement de recherche, de décloisonner une communauté jusque-là organisée en silo et d'asseoir la pertinence du travail interdisciplinaire sur l’éducation. Le défi « Territoires du futur » a lancé le développement d’interactions avec des acteurs territoriaux des aires métropolitaines marseillaise et clermontoise, pour favoriser et étudier les approches systémiques sur le concept de l’habitabilité actuelle et future des territoires. Et le Centre pluridisciplinaire Artificial intelligence for science, science for artificial intelligence (AISSAI) accélère les découvertes scientifiques en faisant dialoguer toutes les disciplines scientifiques autour de l’IA. « Chaque défi a mis en place des outils utiles aux communautés scientifiques qui vont perdurer en vue de faire avancer la recherche dans ces domaines », assure Alain Schuhl.
Contrairement aux six défis précédents – faisant écho directement aux questionnements de la société –, les six nouveaux défis transverses sont davantage centrés d’emblée sur des questions scientifiques ou des enjeux de recherche bien identifiés. Ils « ne représentent bien sûr qu’une partie des activités du CNRS », précise Alain Schuhl. Ils ont été sélectionnés pour leur pertinence scientifique et l’approche pluridisciplinaire qu’ils nécessitent, mais aussi parce que « c’était le bon moment pour s’y attaquer » : un saut technologique ou conceptuel récent, ou la perspective d’un tel saut, laisse entrevoir des « possibilités d’avancées majeures, d’accélération des connaissances, dans les prochaines années à condition de réunir les compétences ».
L’objectif est maintenant de structurer les communautés scientifiques, en créant des outils spécifiques à chacun d’entre eux et en y consacrant une part significative des recrutements de nouveaux chercheurs et chercheuses permanents.
Des enjeux d’actualité
Ainsi, il ne fallait pas rater le coche des matériaux. Un sujet interdisciplinaire par essence : « Les matériaux sont partout avec des applications dans des domaines très variés, comme la santé, les bâtiments, la mobilité, l’énergie, les communications, etc. », démontre Franck Molina qui représente l’institut CNRS Ingénierie pour le défi « Matériaux du futur ». Se posent aujourd’hui « des enjeux de souveraineté et/ou de criticité, de nombreux matériaux étant rares ou difficilement accessibles ». La demande sociétale est également forte pour des matériaux certes plus performants mais aussi économiques, durables et écologiques. Prise en compte du cycle de vie complet des matériaux, nouvelles compositions, matériaux bioinspirés ou biosourcés, intelligents, adaptables, conçus par l’IA… : les questions de recherche sont nombreuses. « Pour identifier les expertises et stimuler la recherche, nous envisageons à ce stade plusieurs types d’actions : invitation d’experts internationaux, organisation de séminaires spécifiques, appels à projets, soutien à l’innovation et conférences mixtes avec nos partenaires industriels, voire la création d’un prix du matériau du futur », liste le chercheur.
« Il ne s’agit pas d’être exhaustif et de résoudre toutes les questions de recherche », détaille Alain Schuhl. Au contraire, il faut « identifier une question scientifique non-traitée et proposer une action emblématique qui viendrait faire la différence grâce à la réponse multidisciplinaire permise par le CNRS ». La mission des groupes de travail : apporter des réponses complémentaires à l’existant et construire dans la durée.
Des feuilles de route dans la durée
« Nous visons à partager les savoirs et détourner les usages », indique ainsi Dominique Joly, de CNRS Écologie & Environnement, qui représente ici l’équipe portant le défi « Instrumentation sans limites ». L’instrumentation à la pointe de l’innovation est cruciale pour une recherche scientifique de haut niveau. Ne serait-ce que dans les autres défis transverses : comment étudier le cerveau sans capteurs miniaturisés, les sociétés en transition sans capteurs frugaux distribués ou l’Univers sans des technologies de pointe qui dépassent toujours plus les limites de sensibilité ? En retour, la recherche fondamentale alimente des avancées technologiques, transformant la conception et l’usage des instruments scientifiques futurs – précision, portabilité, performances optimisées par l’IA, etc. En particulier, au CNRS, « véritable FabLab qui rassemble de multiples métiers et de nombreuses compétences, avec des pratiques à décloisonner ». « Nous voulons proposer une démarche instrumentale hybride et co-construite en suivant la boussole des grandes questions scientifiques et des enjeux sociétaux forts, dont la frugalité et la soutenabilité », assure la chercheuse.
Pour cela, les défis seront soutenus notamment via les appels de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS.
Les défis ont aussi été mis en exergue dans le Contrat d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) signé entre le CNRS et l’État en mars dernier. « L'objectif des défis n'est pas d'obtenir des résultats scientifiques sur la seule durée du COMP, ce qui serait illusoire, mais de parvenir sur cette période à imaginer, lancer et ancrer dans le paysage des dispositifs ou outils de nature à soutenir les défis dans leur dimension pluridisciplinaire », résume Alain Schuhl. Les bases de feuilles de route structurantes, « à la hauteur des ambitions du CNRS et permettant de faire émerger de nouvelles dynamiques pluridisciplinaires », doivent être posées d’ici l’été.
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